Le Noël de Cassie
Par Stéphanie Delaume
Chapitre 1
À l’approche de Noël, le temps devenait de plus en plus froid, et la neige avait déjà recouvert de nombreux endroits. Ces derniers jours, Cassie se réveillait chaque matin devant un tapis blanc étendu sous sa fenêtre. La jeune Nébulas adorait cette période de l’année, où la nature pouvait offrir une multitude de paysages en une seule journée. Son moment préféré était lorsque le soleil se reflétait dans la neige, lui donnant l’impression de marcher sur des étoiles. Alors qu’elle admirait l’arbre de vie, drapé d’un manteau blanc, l’Oracle l’interpella :
— C’est magnifique, n’est-ce pas ?
Cassie sursauta, plongée dans ses pensées, elle ne l’avait pas entendue approcher.
— Je ne voulais pas te faire peur, bonjour Cassie, ajouta la toute première Nébulas avec un sourire.
— Quelle surprise de vous voir, Oracle ! s’exclama Cassie.
Je ne me lasse jamais d’admirer ces paysages hivernaux, ajouta-t-elle avec enthousiasme.
L’Oracle lui sourit, ravie de la voir apprécier les merveilles que Dame nature lui offrait.
— Je viens de rentrer, commença l’Oracle. J’étais avec le peuple d’eau des Ondines. Lorsque les températures commencent à baisser et que le sol gèle, les humains se mettent à saler les routes. Le problème, c’est que lorsque la neige fond au printemps ou lors de fortes pluies, le sel est emporté dans les cours d’eau et s’infiltre dans les nappes phréatiques. Nous sommes allés sur place pour réfléchir à un moyen d’éviter des conséquences graves. Le salage entraîne des répercussions sur chacun des peuples, continua l’Oracle. Les Silvas, du peuple de la terre, sont également impactés par l’utilisation du sel. Ce dernier s’infiltre dans le sol, limitant l’accès des racines des plantes à l’eau.
Cassie remarqua l’air soucieux de la sage, ce qui l’inquiéta à son tour.
— Avez-vous trouvé une solution ? demanda-t-elle avec espoir.
— Presque, répondit l’Oracle avec un sourire. Les humains commencent à développer des alternatives, plus en adéquation avec l’environnement.
— C’est un bon début ! s’exclama Cassie, encouragée.
— Mais si je suis venue te retrouver ce matin, c’est pour te donner ceci, poursuivit l’Oracle en sortant une petite enveloppe de sa poche et en la tendant à Cassie.
— Ary m’a fait promettre de te la remettre en main propre, ajouta-t-elle avec un clin d’œil avant de continuer son chemin.
La jeune Nébulas se sentit rougir, impatiente de découvrir ce que contenait l’enveloppe.
Les yeux de Cassie brillaient de bonheur, et son cœur s’était légèrement accéléré. Un large sourire illuminait ses lèvres. Quelle chance de recevoir cette invitation ! Elle trépignait d’impatience à l’idée de découvrir comment les Ondines fêtaient Noël, mais aussi de revoir son ami Ary. Elle l’avait rencontré lors de sa mission confiée par l’Oracle pour sauver son peuple. Ensemble, ils avaient aidé de nombreuses tortues piégées par des déchets plastiques. Ils avaient formé une équipe formidable et s’étaient tout de suite bien entendus.
Souvent, elle pensait à lui lorsque la lune brillait dans le ciel. Peu importe la distance qui les séparait, elle savait qu’ils regardaient tous deux le même astre la nuit.
Lorsqu’elle rentra dans sa maisonnette, Cassie ajouta un peu de bois dans sa cheminée où les braises crépitaient en dégageant une douce chaleur. Elle enleva ses bottes, laissant ses pieds profiter de la douceur d’un magnifique tapis blanc, tissé de ses propres mains avec des poils d’un tiwa[1], ces êtres magiques rencontrés grâce aux Silvas, les esprits de la forêt. Cassie s’était d’ailleurs liée d’amitié avec l’une d’entre elles, Shapiri. Ensemble, elles avaient réussi à sauver une forêt des pluies acides causées par la pollution.
Cassie ne pourrait jamais oublier le moment où elle avait vu pour la première fois un tiwa : un corps de loup avec une tête de cerf, de magnifiques bois qui couronnaient majestueusement leur crâne. Son pelage, d’un blanc immaculé, et ses yeux d’un bleu très clair lui avaient coupé le souffle. Lorsqu’elle avait croisé son regard, un sentiment de bien-être l’avait immédiatement enveloppée. Elle n’avait jamais rien vu d’aussi beau. Les tiwas n’étaient pas des animaux peureux, car ils savaient que tout arrivait pour une raison et avaient depuis longtemps accepté que certaines choses ne soient pas de leur ressort. Shapiri avait expliqué à la jeune Nébulas qu’une fois par an, ces créatures perdaient leur fourrure, marquant ainsi le renouvellement de toutes choses. Et lorsque le moment était enfin arrivé, Cassie avait obtenu leur consentement pour la garder et la transformer en tapis. Avec l’hiver, elle était ravie de l’avoir, car il ajoutait une touche douillette à sa maison. Elle posa l’invitation sur sa table avant de se diriger vers son armoire. Cassie se souvenait qu’au fond de sa grosse malle se trouvait une robe qu’elle avait soigneusement conservée pour une occasion spéciale. « Elle sera parfaite pour Noël », se dit-elle avec enthousiasme.
Cassie dut ouvrir le couvercle du coffre à deux mains, tant il était lourd. Entièrement en bois, il était orné de jolis dessins sculptés. En dépliant un tissu jaune, elle découvrit la longue robe. Sa matière était particulièrement douce, d’un bleu nuit parsemé de paillettes scintillantes qui rappelaient les étoiles. Des manches longues en dentelle dépassaient légèrement au niveau de ses mains. Elle se leva et accrocha la robe à la porte de son armoire, son cœur battant d’impatience. Elle se remémora qu’elle n’avait mis que trois heures pour rejoindre la plage où elle avait rencontré Ary. Elle pourrait se mettre tranquillement en route le lendemain début d’après-midi.
« Parfait, je pourrais ainsi écouter le discours de l’Oracle avant de partir », se dit Cassie avec un sourire.
Chez les Nébulas, le matin de Noël était un moment spécial où les différents peuples se rassemblaient pour écouter les bonnes nouvelles que l’Oracle avait découvertes durant l’année. C’était une belle tradition qui rappelait à chacun qu’ils étaient entourés de choses positives. La jeune Nébulas passa le reste de l’après-midi à profiter des paysages enneigés, admirant la beauté du monde qui l’entourait, avant de se coucher tôt pour être prête pour son Noël auprès des Ondines.
Chapitre 2
Les premiers rayons de soleil réveillèrent Cassie, et elle pensa avec excitation : « Ça y est, c’est le grand jour ! » Elle s’habilla chaudement, impatiente de vivre cette journée magique, puis se dirigea vers l’arbre de vie qui trônait majestueusement au milieu de leur village. Après avoir salué quelques Nébulas, Cassie s’installa, prête à écouter avec attention les paroles de l’Oracle. Lorsque cette dernière prit la parole, une atmosphère de sérénité enveloppa l’assemblée :
— Une nouvelle année est sur le point de s’achever. Je me réjouis de pouvoir partager avec tous les Nébulas ici présents deux nouvelles exceptionnelles ! »
Cassie écouta attentivement, son cœur battant d’excitation pour ce qui allait suivre. Un brouhaha s’éleva dans la foule, et l’Oracle, avec un sourire bienveillant, leva ses mains pour demander le silence.
— J’ai découvert l’existence de personnes exceptionnelles qui, chaque jour, font leur maximum pour rendre notre Terre meilleure. Le premier est un garçon remarquable, reprit-elle, il s’appelle Lucas. Dès son plus jeune âge, il voulait devenir soigneur. Mais pas n’importe lequel, Lucas voulait aider les dinosaures !
L’Oracle expliqua que lorsque le jeune homme avait été suffisamment grand pour comprendre que cela ne serait pas possible, il n’avait pas abandonné son idée pour autant. Sa volonté d’aider les animaux sauvages demeurait intacte. Il se rendit compte qu’en étant en contact avec le public, il pouvait avoir un réel impact sur la nature. Avec son enthousiasme et sa détermination, il utilisa sa présence dans un zoo pour informer les visiteurs. Il savait que toutes les actions humaines entraînaient des répercussions sur la nature, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Lucas avait compris que c’était ensemble qu’on pouvait réaliser de grandes choses, en faisant chacun de petites actions. Et quand il ne travaillait pas, il partait à l’aventure pour continuer à apporter sa pierre à l’édifice, un peu plus directement cette fois-ci. « Une personne très inspirante », pensa Cassie, son cœur rempli d’admiration pour ce jeune homme qui, malgré les obstacles, poursuivait son rêve et incitait les autres à faire de même.
L’Oracle reprit avec une voix pleine de respect :
— La deuxième personne dont je souhaiterais parler est une femme tout aussi exceptionnelle. Une ancienne militaire qui s’est prise de passion pour les singes.
— Tout a commencé lorsque Véronique a réalisé une mission de volontariat au Bénin, en Afrique. Elle s’est alors rendu compte qu’il n’y avait aucun centre pour les animaux blessés, et encore moins pour les primates, alors que ce pays est très riche en espèces de singes. C’est ainsi qu’elle décida de construire le premier refuge.
L’Oracle expliqua que Véronique avait trouvé sa nouvelle vocation. Ce qui était extraordinaire, c’était qu’elle avait tout abandonné pour se consacrer, corps et âme, à cette cause.
— Mais c’était bien loin d’être facile pour elle, reprit-elle, surtout au niveau écologique. L’ancienne militaire avait compris que la population locale avait une philosophie assez particulière : s’enrichir le plus vite possible. Véronique devait donc faire preuve d’habileté pour leur montrer que préserver le milieu naturel des singes n’allait pas forcément à l’encontre de leurs attentes. C’était sa passion et sa volonté inébranlable d’aider ces animaux qui lui permirent de persuader les habitants. Ainsi, cette femme remarquable créa Ato[2], un refuge où les singes pouvaient être soignés et protégés, tout en sensibilisant la communauté à l’importance de la conservation.
Cassie, touchée par cette histoire, se sentit inspirée par le dévouement et la détermination de Véronique.
L’Oracle termina son discours avec une note d’espoir :
— Ces deux personnes sont de parfaits exemples qui montrent combien les humains peuvent apporter leur aide aux animaux. Avec la volonté, on peut déplacer des montagnes.
À ces mots, chaque Nébulas présent se leva pour applaudir ces beaux actes et ces dévouements pour l’espèce animale.
Après le traditionnel verre de l’amitié, où les rires et les échanges chaleureux résonnaient, Cassie rentra chez elle, le cœur léger et rempli d’enthousiasme.
Chapitre 3
Cassie enfila la robe qu’elle avait préparée la veille, impatiente de célébrer cette journée spéciale aux côtés d’Ary. Lorsque les rayons du soleil se reflétaient sur le tissu, elle se mettait à briller, ajoutant une touche de magie à son apparence. Elle couvrit ses épaules un châle blanc qui contrastait à merveille avec le bleu foncé de sa robe, puis se mit en route.
Repensant aux histoires de Lucas et de Véronique, elle se sentait encore plus déterminée à faire sa part pour la nature et les animaux. Ce soir-là, elle savait qu’elle porterait non seulement une belle robe, mais aussi l’esprit de ceux qui œuvrent pour un monde meilleur.
Du haut du ciel, Cassie pouvait admirer de nombreux paysages, tous plus blancs les uns que les autres, comme un tableau féerique. Cependant, lorsqu’elle survola une grande ville, une sensation de malaise commença à l’envahir. Elle avait du mal à respirer et elle perdait dangereusement de l’altitude. Elle manquait d’air pour rester cachée aux yeux des humains, mais aussi pour continuer sa route. Plus elle descendait, plus l’air lui était irrespirable, et elle se sentit sur le point de s’évanouir.
C’est alors qu’une Wayras, une créature majestueuse du peuple de l’air attrapa Cassie avec agilité et lui fit traverser la ville à toute vitesse. Le vent frais et pur qui l’entourait lui redonna rapidement des couleurs. Lorsque la ville fut enfin plusieurs kilomètres derrière elle, elles se posèrent et Cassie reprit son souffle, soulagée de pouvoir respirer librement à nouveau. Elle tourna son regard vers Naya, la Wayras qui lui avait sauvé la vie, et lui exprima sa gratitude avec un sourire.
— Merci beaucoup, c’était moins une ! Qu’est-ce qui m’est arrivé ? demanda Cassie encore un peu branlante sur ses jambes.
— Nous aussi, nous sommes impactés par le salage des humains. Les voitures font remonter des particules corrosives qui détériorent la qualité de l’air, expliqua Naya avec un air sérieux. Nous utilisons d’ailleurs notre don pour contrebalancer cette pollution, ajouta-t-elle.
— Mais tu n’as pas eu du mal à respirer, s’exclama Cassie, contrairement à moi…
— Nous connaissons ce problème, du coup nous pouvons l’anticiper. Et puis notre don nous protège. Tu as juste été prise au dépourvu, la rassura Naya avec un sourire réconfortant. Tu te sens mieux ?
— Oui, merci, répondit Cassie, se redressant un peu.
— Tu es très jolie dans ta robe ! la complimenta Naya, admirant l’éclat de la tenue de Cassie.
Cassie rougit légèrement, touchée par le compliment.
— Merci, ça me fait plaisir ! J’ai reçu une invitation de Noël de la part d’Ary. Je suis d’ailleurs en route pour retrouver son peuple, les Ondines.
— Génial ! s’écria Naya, tu le salueras chaleureusement de ma part !
— Promis.
Sur ces paroles, Naya s’envola. Après quelques secondes, lorsque Cassie retrouva son aplomb, elle se remit elle aussi en route.
Dès qu’elle aperçut la plage, elle put au loin distinguer la silhouette d’Ary. Ses cheveux noirs contrastaient avec la blancheur du sable, et la couleur de sa peau bleu-vert se fondait dans les couleurs de la mer. Il faut croire que lui aussi était impatient de la retrouver ! Il lui fit de grands signes quand elle ne fut qu’à quelques mètres.
— Bonjour Cassie, tu es superbe ! Cette robe est vraiment très belle ! Tu as fait un bon voyage ?
— Bonjour Ary, merci, j’ai eu une frayeur, mais heureusement Naya est venue m’aider.
— Ah oui ? Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? s’inquiéta l’Ondine.
— L’Oracle m’a raconté que le salage touchait votre monde, j’ai malheureusement pu constater qu’il touchait aussi le monde de l’air des Wayras.
— Oui, j’en ai entendu parler, dit-il tristement.
— Mais je vais bien, et je suis sûre qu’ils cherchent aux côtés des humains une solution à ce problème, le rassura-t-elle.
Ary retrouva son sourire.
— Tu as raison. Tu es prête ?
Cassie hocha la tête avec enthousiasme.
— Prête et impatiente de célébrer Noël avec vous tous !
Ary lui prit la main et l’entraîna dans l’eau où le peuple des Ondines les attendait, prêt à accueillir Cassie dans leur monde magique. Il en profita pour lui insuffler des particules de son peuple, créant ainsi, comme lors de sa première expérience en tant qu’Ondine, une bulle d’air autour de sa tête. Cassie pouvait désormais se déplacer sans soucis sous l’eau, émerveillée par la sensation de légèreté qui l’envahissait. En regardant autour d’elle, elle reconnut le grand château qui trônait dans les profondeurs, illuminé de lumières blanches et rouges, scintillant comme un joyau sous la surface. Ary continua de la conduire vers le centre du village, où l’atmosphère était festive et joyeuse.
Elle ne mit pas longtemps à apercevoir l’Ancien, entouré d’autres Ondines, tous animés par l’excitation de la fête. Dès qu’il la vit, il l’accueillit à bras ouverts.
— Cassie ! Nous sommes tellement contents de pouvoir partager cette fête avec toi ! Sois la bienvenue !
— Merci beaucoup pour ce chaleureux accueil ! répondit Cassie, le cœur rempli de joie.
— Ary, je compte sur toi pour lui faire passer une excellente soirée, ajouta l’Ancien avec un sourire complice. On se voit lors du traditionnel discours. À tout à l’heure.
Chapitre 4
Cassie se sentit immédiatement à sa place, entourée de ces êtres merveilleux. Elle savait que cette soirée serait mémorable, pleine de rires, de musique et de magie. Avec Ary à ses côtés, elle était prête à plonger dans l’esprit de la célébration et à découvrir tout ce que le peuple des Ondines avait à offrir.
Ary l’entraîna vers l’arbre majestueux:
— Viens, il faut que tu voies quelque chose de magique !
Cassie observa l’arbre, leur sapin de Noël. Il était décoré de guirlandes rouges et blanches et de magnifiques boules dans les mêmes teintes, de différentes tailles.
En s’approchant, Cassie remarqua qu’il s’agissait de boules d’eau qui bougeaient au gré des vagues, créant un spectacle fascinant. Mais le plus spectaculaire était la guirlande en forme de gouttes dorées qui partait de l’extrémité de chaque branche, scintillant comme des étoiles sous l’eau. Des tables et des bancs étaient disposés tout autour, recouverts de nappes blanches. Une vaisselle transparente était soigneusement disposée dessus, reflétant la lumière ambiante. Une table avec divers plats était dressée sur la droite, offrant un festin coloré et appétissant. Des coussins rouges reposaient sur les bancs, ajoutant une touche de confort à l’ensemble. Au centre des tables se trouvaient de petites sculptures glacées qui représentaient les différentes espèces animales, témoignant de la beauté et de la diversité de ce monde. Ary sourit en voyant combien Cassie appréciait la décoration, ses yeux brillant d’émerveillement.
De nombreux Ondines s’étaient rassemblés autour de la partie haute de l’arbre, riant et discutant joyeusement. Ary l’entraîna elle aussi vers la pointe, et Cassie le regarda perplexe, se demandant ce qui l’attendait là-haut.
— Qu’est-ce qu’il y a en haut ? demanda-t-elle, curieuse.
— Tu vas voir, c’est une surprise ! répondit Ary avec un clin d’œil.
Cassie, bien que légèrement nerveuse, se laissa entraîner, impatiente de découvrir la magie que cet arbre avait à offrir.
Le jeune Ondine lui désigna du menton l’arbre et d’un coup, des rayons de couleur apparurent. L’eau s’était transformée en arc-en-ciel, un spectacle époustouflant qui laissa Cassie sans voix. D’ailleurs, tous les Ondines avaient l’air hypnotisés, captivés par la magie du moment.
— Waow ! s’écria Cassie, émerveillée.
— On appelle ce phénomène l’Amitola[3]. Les Amérindiens utilisaient d’ailleurs ce mot pour désigner les arcs-en-ciel sur Terre, expliqua Ary avec fierté. La veille de Noël, continua-t-il, à 19 h pile, l’étoile des Nébulas se place pour quelques minutes entre le soleil et la lune. Et le résultat donne ce magnifique arc-en-ciel sous l’eau.
Cassie avait des étoiles plein les yeux, tellement elle était subjuguée par la beauté de ce spectacle. Mais déjà, les couleurs devinrent moins vives et finirent par disparaître, laissant place à une douce lumière bleutée. Rapidement, les Ondines rejoignirent une table en contrebas, et lorsque tout le monde fut installé, l’Ancien se leva, son regard bienveillant se posant sur l’assemblée.
— J’espère que vous avez tous profité de ce spectacle exceptionnel ! commença-t-il avec enthousiasme. Merci à tous d’être là aujourd’hui. Quelle joie de partager cette fête tous ensemble ! Nous avons d’ailleurs une invitée spéciale.
Tous les regards se tournèrent vers Cassie, et elle sentit une vague de chaleur l’envahir. Elle était impatiente de découvrir ce que cette soirée lui réservait.
Se tournant vers Cassie, il lui dit :
— Merci, Cassie, d’être aujourd’hui à nos côtés. Comme le veut la tradition des Nébulas, nous avons choisi de mettre en lumière quelques actions positives qui ont eu lieu au cours de cette année. Cela nous rappelle que chaque geste compte. Même si, parfois, il est plus facile de se laisser submerger par des pensées négatives, nous devons nous concentrer sur le positif. Car il est bien présent, et cela vaut la peine de se battre pour lui !
Après quelques instants de silence, le chef des Ondines poursuivit :
— Aujourd’hui, nous célébrons dix associations créées par des humains, rassemblant plusieurs pays, qui œuvrent pour la protection des océans et des mers. Chacune d’entre elles a pour principaux objectifs de dépolluer, préserver et promouvoir des recherches scientifiques en faveur de notre habitat. Elles comptent des milliers d’adhérents et de bénévoles dévoués. Grâce à eux, continua-t-il, l’humanité comprend que les mers et océans ne sont pas des ressources inépuisables.
Cassie remarqua à quel point l’ambiance était légère et que chaque Ondine se réjouissait profondément. C’était un pas en avant vers la sauvegarde de leur habitat !
Chapitre 5
À la fin de ce discours, des danseuses prirent place au centre et réalisèrent un spectacle époustouflant. Elles mélangeaient des centaines de gouttes d’eau, guidées par leurs mouvements gracieux, sans le moindre effort. Leurs longs cheveux noirs flottaient au gré des vagues. Elles portaient des combinaisons qui brillaient de mille feux, illuminant la scène sous l’eau. Une douce mélodie résonnait tout autour d’eux, créant une atmosphère enchanteresse. Soudain, la musique s’intensifia et, au centre des tables, apparurent de magnifiques hippocampes. S’ensuivit un pas de deux d’une symbiose exceptionnelle entre les danseuses et leurs montures. Finalement, tout est lié : notre environnement, les animaux et les êtres qui y existent.
Le repas était délicieux, offrant une palette de couleurs vibrantes. Chacun discutait et riait joyeusement avec ses voisins de table, et la bonne humeur régnait en maître. Cassie savourait pleinement ce moment.
— C’est vraiment délicieux, je vais me resservir, informa-t-elle Ary.
Elle se leva et se dirigea vers le buffet. En chemin, elle remarqua une Ondine qui semblait malheureuse, se tenant devant un plat de nourriture. Elle gesticulait, comme si elle n’arrivait pas à se mettre d’accord avec elle-même. Cassie s’approcha d’elle et lui posa doucement une main sur le bras.
— Tout va bien ? demanda-t-elle avec bienveillance.
L’Ondine leva ses yeux humides vers elle et répondit :
— Non… Je suis très embêtée…
— Je peux le voir. Est-ce que je peux t’aider ?
— Je ne sais pas…
— Dis-moi ce qui ne va pas, et nous pourrons chercher ensemble une solution, l’encouragea Cassie avec un sourire réconfortant.
— La nourriture sent tellement bon, mais je sais que si je goûte, je n’arriverai pas à m’arrêter…
— Et où est le problème ? demanda Cassie, curieuse.
— Je suis déjà plus enveloppée que les autres Ondines, et si je continue, je ne vais plus rentrer dans aucune de mes robes !
— Qu’est-ce qui te dérange le plus ? Ne pas ressembler à tes amis ou te sentir à l’étroit dans tes vêtements ?
— Honnêtement, je n’aime pas du tout cette sensation d’être complètement serrée dans ma robe. Surtout que je trouve qu’elle accentue encore plus mes rondeurs…
— Dans ce cas, pourquoi ne pas te faire confectionner de nouveaux habits ?
— Mais…
— Tu es telle que tu es ! Pourquoi s’acharner à rentrer dans un vêtement qui ne te convient pas ? C’est à lui de s’adapter à toi, et non l’inverse, tu ne crois pas ? demanda Cassie avec un sourire encourageant.
La jeune Nébula lui prit les mains et les serra fort. Cassie put voir une profonde reconnaissance dans ses yeux.
— Tu as raison ! Je suis bien la seule à me rendre malheureuse pour ce genre de détails ! Mais, dis-moi Cassie, si je t’avais dit que c’était le regard des autres qui me rendait malheureuse, que m’aurais-tu répondu ?
— J’aurais commencé par te dire que ton physique n’a aucun impact sur ta personnalité. Les gens ne t’apprécient pas pour ta silhouette ou parce que tu es une Ondine, mais pour ce qu’il y a dans ton cœur : ton courage, ta compassion et ta bonté. Je me souviens très bien de la façon dont tu nous as aidés à porter secours aux tortues lorsqu’elles avaient été piégées par les déchets plastiques. Tu n’as pas hésité une seule seconde. Il faudrait plus de personnes comme toi, peu importe leur apparence.
Cassie remarqua que l’aura de la jeune Ondine se transformait à mesure qu’elle lui parlait. Elle finit par retrouver un blanc pur, enveloppé d’une lumière puissante. Cassie lui sourit.
— Tu es parfaite telle que tu es. Et si quelque chose ne te convient pas, il te suffit de le changer. Utilise l’émotion que tu ressens pour créer un changement positif. Être malheureuse ne te rendra pas plus mince ni ne changera ta garde-robe.
— Merci, Cassie. C’est vrai que je me suis laissée emporter par mes émotions.
— C’est un plaisir pour moi de pouvoir te rappeler combien tu es géniale. Les amis sont là pour ça aussi : nous rappeler ce qu’on a tendance à oublier !
La jeune Ondine serra Cassie dans ses bras et un sourire radieux illumina son visage. Cassie la regarda rejoindre ses amies, qui l’accueillirent à bras ouverts. Elle se laissa à son tour tenter par les plats qui dégageaient une délicieuse odeur.
La soirée touchait doucement à sa fin.
Après le repas, Ary l’accompagna jusqu’à la surface. La bulle d’air autour de la tête de Cassie éclata au contact de l’air frais.
— J’ai un petit cadeau pour toi, commença le jeune Ondine avec un sourire.
Il sortit de sa poche un collier avec une petite pierre blanche en guise de pendentif. Il le tendit en direction de la lune. Lorsque ses rayons se reflétèrent sur la pierre, Cassie reconnut le phénomène magique qu’elle avait vu sous l’eau quelques heures auparavant. Toutes les couleurs dansaient sur le sable, se mouvant en harmonie avec le geste de la main d’Ary.
— C’est magnifique ! J’ai l’impression de revoir l’Amitola, s’écria Cassie, émerveillée.
— Oui, c’est une pierre qu’on trouve dans un seul endroit sous l’eau. La prochaine fois que tu viens, je te le montrerai !
— Merci, ça me fait extrêmement plaisir, répondit Cassie, ne pouvant s’empêcher de rougir devant ce geste attentionné.
— J’aime beaucoup cette pierre, car elle me rappelle qu’on possède tous de la magie en nous. Il suffit de trouver le bon moyen pour la faire éclore !
— Je m’en souviendrai, merci Ary, et joyeux Noël !
— À toi aussi, Cassie, et surtout, sois prudente en rentrant.
Après une chaleureuse accolade, Cassie se mit en route, le cœur léger et rempli de souvenirs précieux. Elle ne pouvait s’empêcher de sourire en pensant à la promesse de se revoir très vite. Les étoiles brillaient au-dessus d’elle, et elle savait que la magie qu’elle avait ressentie ce soir-là l’accompagnerait toujours.
Fin
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