On a volé la dinde de Noël !

Par Paul Ortner


- C’est un scandale !

Le Père Garenne, un vieil homme aux allures de grand-père,

s’était écrié le matin de Noël en ouvrant le réfrigérateur car oui,

un scandale avait bien eu lieu. Que dis-je un scandale ?! Un

drame, un crime même ! La dinde qui devait être servie le soir-

même, pour le réveillon de Noël, avait disparu, purement et

simplement. Elle était là le jour précédent, le Père Garenne

l’avait achetée pour la manger avec toute sa famille… et là

pouf ! Plus rien ! Un grand vide sur cette étagère froide parmi

les salades, les petits fours, les bouteilles de vin et la bûche de

Noël.

Cela ne pouvait rester sans conséquence. Aussitôt le crime

constaté, il convoqua un conseil de famille. Sa fille, son beau-

fils et leurs deux enfants, Clothilde et Bertrand, avaient été tirés

du lit en urgence pour répondre à cette crise. Même le chat

avait été obligé de s’asseoir dans son coussin à un bout de la

table pour être interrogé.

- Titi, gronda Père Garenne, tu es le premier chapardeur de la

famille, tu es donc le principal suspect.

Il se leva, s’appuya sur la table et fixa le félin qui se lécha

nonchalamment la patte sans prêter attention à son fulminant

maître. Ce dernier fit le tour de la table et attrapa fermement le

chat en demandant :

- Est-ce que tu as volé la dinde ? Et pas d’entourloupe ! Je sais

reconnaître le tremblement de tes moustaches quand tu es

coupable !

Le chat miaulait et se débattait, pressé de retourner dans son

coussin.

- Grand-père, dirent les enfants en chœur, il ne peut pas voler

une dinde, il est trop petit pour ça.

- Il peut très bien être entré dans le réfrigérateur pour la manger

pendant la nuit, souleva le Père Garenne. Il n’en démordait pas, mais décida quand même de passer au

suspect suivant, ou plutôt, aux deux suspects.

- Les enfants ? demanda-t-il. Auriez-vous fait une bêtise cette

nuit ?

Il prit un ton léger pour mettre sa progéniture en confiance

mais ses yeux lançaient des éclairs.

- Non papa, répondirent en chœur les deux têtes blondes.

- Nous nous sommes couchés tôt hier soir, dit Bertrand.

- Afin de pouvoir rester réveillé plus longtemps ce soir,

poursuivit Clothilde.

Connaissant ses petits-enfants, qui ne trahissaient aucun signe

de mensonge, le Père Garenne se résolut à les croire. Il se

tourna vers sa fille et son gendre, qui réagit immédiatement :

- Ne pensez même pas à nous accuser.

- Ma fille, dit-il d’un ton mielleux, je ne t’accuse de rien…

- Tant mieux, répondit-elle.

- Mais est-il impossible d’imaginer que tu puisses me faire une

farce ?

- Non, même s’il est vrai que j’y ai pensé. J’ai été tout aussi

étonnée que toi et je me porte volontaire pour participer aux

recherches.

- Nous aussi ! ajoutèrent les deux enfants.

Le Père Garenne hocha positivement la tête, mais il gardait

quelques soupçons sur sa fille… et sur le chat, également. Ce

félin à poils longs avait déjà volé plus d’un poulet par le passé.

- Aller tous vous habiller, nous allons fouiller la maison.

Tous avalèrent leur petit-déjeuner rapidement avant de

remonter dans les chambres se changer pour la journée. Tandis

qu’il nouait sa cravate devant le miroir, le Père Garenne

réfléchissait à toutes les possibilités. Il envisageait déjà d’aller

chez le boucher pour racheter une autre dinde, même si cela

risquait de s’avérer infructueux. À l’approche de Noël, toutes

les familles veulent la même volaille pour le dîner du réveillon,

si bien qu’il faut la commander deux mois à l’avance pour êtresûr d’en avoir une. En obtenir une seconde le jour même de

Noël, à compter bien sûr que la boucherie soit ouverte en ce

jour férié, s’avérait être mission impossible.

Le Père Garenne imaginait déjà le boucher lui rire au nez :

- Mais mon bon monsieur, il fallait prendre commande il y a

deux mois, je n’ai plus rien maintenant.

Et Madame Lecoq de rajouter :

- Auriez-vous égaré votre dinde, Monsieur Garenne ?

Tous les clients riraient de son désespoir. Non, hors de question

de subir cette humiliation. Le Père Garenne regarda la montre.

Il avait très exactement neuf heures et quarante-cinq minutes

pour retrouver la dinde. Passé ce délai, elle ne pourrait plus être

prête à temps pour le repas de vingt heure avec tous les invités.

Sa fille, son gendre et leurs enfants sont arrivés quelques jours

auparavant, et ils attendaient toute la panoplie d’oncles, de

tantes, de neveux, de nièces, de cousins, de frère et de sœur,

bref, la famille au grand complet, pour une tablée d’une

quinzaine de personnes.

Le Père Garenne se figea net. Les invités ! Il ne pouvait

décemment pas recevoir des invités pour le festin de Noël sans

le principal met qui le compose : la dinde ! L’urgence de

retrouver cette volaille se fît d’autant plus pressante.

Une fois prêt, il redescendit à la cuisine et ouvrit le

réfrigérateur pour observer la scène plus en détail. En l’absence

de poil qui trahirait Titi, il fût obligé de reconnaître que le chat

n’y était pour rien. Il fit le tour de la pièce et remarque des

traces de pas au sol, des toutes petites traces de pas. Il remonta

la piste jusqu’à la porte. Le tapis est encore humide des

dernières bottes qui s’y sont essuyer pendant la nuit. Il ouvrit la

porte. La neige avait déjà recouvert les traces dehors. Il referma

la porte et réfléchît. Elle devait être fermée à clef pendant la

nuit. Comme se faisait-il qu’elle fusse ouverte alors que

personne n’était sorti ? Une seule conclusion s’imposait :

quelqu’un était entré cette nuit et avait volé la dinde.Ce qu’il pensait être une banale farce se transformait en affaire

de vol avec violation de domicile. C’était du ressors des forces

de l’ordre maintenant. Il devait lever tout doute cependant. Il

en informa sa fille, qui fût d’accord avec lui. Elle qui prenait

cette affaire avec le sourire, la voilà maintenant inquiète.

À contrecœur, le Père Garenne se résolut à téléphoner à la

police. Des agents vinrent. Ils ne constatèrent aucune

effraction, donc la porte n’était pas fermée à clef pendant la

nuit ou la personne avait la clef. Les empruntes furent relevées

et prises en photo. En partant, un des policiers s’arrêta sur le

pas de la porte et glissa au Père Garenne :

- On va faire notre rapport mais je doute qu’on puisse faire

quoi que ce soit.

- Pourquoi cela ? demanda le vieil homme.

- Au vue des traces laissées sur votre sol, votre voleur est un

enfant. Ce doit être un des orphelins qui traînent dans la rue et

qui chapardent tout ce qu’ils peuvent.

- Et… où pourrais-je trouver ce genre d’enfants ?

Le policier donna le nom d’un quartier « mal fréquenté » mais

lui déconseilla de s’y rendre. Non-seulement il ne parviendra

pas à retrouver une dinde (qui avait certainement déjà été

mangée à l’heure qu’il est), mais il risquerait d’y perdre son

porte-feuille. Le policier le salua et s’en alla avec ses collègues.

Le Père Garenne prit en compte le conseil du policier, mais ne

renonça pas et décida de tenter sa chance. Il laça ses

chaussures, prit son manteau et son chapeau, et sortit avec un

sac de courses dans les mains.

Il se rendit d’abord à la boucherie où il avait ses habitudes. Le

propriétaire, un homme maigre au tablier toujours blanc

immaculé lorsqu’il est en boutique, le reconnut immédiatement

et demanda :

- Bonjour Monsieur Garenne, que puis-je pour vous ?

Afin de couper court à toute moquerie susceptible d’émerger, le

Père Garenne relata tous les faits depuis l’ouverture duréfrigérateur le matin même. Il conclut en en venant à ce qui

l’amenait :

- Et c’est pour cette raison que je viens vous demander s’il

vous restait une dinde en réserve.

- J’aurais aimé pouvoir vous aider, mais je n’ai plus aucune

volaille. Il me reste tout juste quelques saucisses de porc… un

pâté en croûte peut-être.

- Je… je comprends. Très bien, je vais tenter ma chance

ailleurs.

- Bonne chance.

- Merci, joyeux Noël.

- À vous aussi.

Il sortit et marcha vivement jusqu’à la prochaine boucherie. Il

ne perdit pas de temps à raconter toute l’histoire, se contentant

de demander une dinde. Il n’eut guère de résultat, pas plus

qu’aux deux boucheries suivantes. L’heure fatidique approchait

inexorablement et le Père Garenne commençait à désespérer…

quand soudain :

- Il ne me reste plus qu’une dinde mais…

- Parfait ! Magnifique ! À combien la vendez-vous ?

- Vingt francs, mais monsieur…

- Je la prends !

Le Père Garenne sortait déjà son porte-feuille. Il sentait la

délicieuse odeur de la dinde rôtie lui chatouiller les narines. Le

boucher, ou plutôt l’apprenti qui s’occupait des ventes, insista :

- Monsieur, je ne peux vous la vendre. Un autre monsieur vient

de partir chercher l’argent pour l’acheter. Elle est déjà vendue,

en quelque sorte.

Le Père garenne prit la nouvelle comme un coup de marteau.

Tous ses espoirs viennent de disparaître. Il se ressaisit et dit :

- Je vous en offre quarante francs. Non, cinquante francs !

C’était plus du double du prix initial. N’importe quel homme

d’affaire accepterait. Cependant, le jeune homme, observant

une éthique professionnelle louable, persista dans son refus. LePère garenne n’avait plus qu’une seule solution : négocier avec

l’autre acheteur. Ce dernier ne se fît pas attendre très

longtemps. Il arriva en courant en brandissant quelques billets

froissés.

- Je les ai ! s’écrit-il avec une joie manifeste en posant l’argent

sur le comptoir.

Il portait des vêtements usés. Non pas troués, quoiqu’ils aient

visiblement subi des raccommodages, mais quelques fils

pendaient aux manches, les boutons étaient prêts à tomber, la

couleur avait déteint en certains endroits. Sans dire que c’était

un pauvre, il avait l’air d’un travailleur de petite condition.

Quelqu’un qui serait sans doute très intéressé par l’argent…

Le Père Garenne s’approcha de lui et lui dit :

- Bonjour Monsieur, je vous attendais. Il se trouve que je suis

très intéressé par cette dinde également.

Il lui raconta toute l’histoire en détails. Le brave homme écouta

attentivement sans l’interrompre mais son attitude montrait

qu’il ne désirait pas abandonner la volaille. Lorsque le vieillard

termina son récit, il répondit :

- Monsieur, je comprends bien votre situation, mais comprenez

également la mienne. J’ai une fille que je peine à nourrir,

habiller et envoyer à l’école. J’étais ouvrier à l’usine pendant

des années. J’ai perdu mon emploi et suis maintenant balayeur

de rues. J’ai beaucoup travaillé ces dernières semaines pour

pouvoir offrir à ma fille un dîner de Noël convenable.

Le Père Garenne avait été un homme d’affaires par le passé, il

savait très bien comment mener une négociation et il venait de

trouver une faille.

- Vous serez alors plus sensible à ce que je vais vous dire, dit-il.

Je vous propose de vous la racheter pour cinquante francs.

Il agitait déjà les billets sous le nez du pauvre homme. Celui-ci

les regarda avec une immense hésitation.

- Prenez-les, mon brave. Avec ceci, vous pourrez offrir ce que

vous voudrez à votre fille.Le balayeur de rues hésita encore, torturé par un conflit

intérieur qui le laissa silencieux pendant encore quelques

instants. Enfin, il céda et prit les billets en disant, non sans

amertume :

- Prenez la dinde.

- Affaire conclue, donc. Vous faites le bon choix.

- Je l’espère.

Le pauvre homme fourra les billets dans sa poche et sortit sans

ajouter un mot. Le jeune apprenti, qui visiblement semblait

happé dans la conversation entre les deux hommes, prit les

billets que le pauvre homme avait posé sur le comptoir et alla

sortir la dinde de la chambre à glace.

Le Père Garenne fourra la dinde dans son sac de courses et

sortit en souhaitant un bon réveillon.

Il marcha d’un pas triomphant et énergique jusque chez lui où

l’attendaient toute la famille proche et plus éloignée qui avait

été invitée pour l’occasion. Il salua tout le monde en tenant

fermement le sac d’où dépassaient les pattes de la volaille. Il

s’empressa d’ailleurs de l’apporter en cuisine où sa fille

commençait déjà les préparatifs avec deux ou trois volontaires.

- Tadam ! s’écrie-t-il en levant le sac au-dessus de sa tête.

- Tu as réussi ? s’étonna la jeune femme.

- Bravo Grand-Père ! ajoutèrent en chœur Bertrand et

Clothilde.

Au même instant, un éclair brun jaillit dans la cuisine et sauta

sur le sac.

- Titi ! Ne touche pas à ça !

Le Père Garenne agita le sac dans tous les sens pour décrocher

le matou devenu fou en sentant l’odeur de la volaille crue.

Après une lutte de quelques secondes, le maître fit entendre

raison au félin qui miaula de désolation. Adoptant une autre

stratégie, il se frotta aux jambes de son maître et ronronna aussi

fort qu’il le pouvait en le regardant droit dans les yeux.Le Père Garenne, qui n’était pas dupe de ce stratagème qui

visait juste à l’amadouer, l’écarta du pied en disant :

- Oust, dehors, Tu auras un petit morceau si tu es sage.

Dépité, le chat s’en alla, non sans lâcher quelques miaulements

de désolation à faire fendre le cœur des moins avertis.

Le fille se chargea de la dinde et la mit immédiatement dans un

plat puis dans le four électrique. Le Père Garenne retira ensuite

son manteau et son chapeau et alla se joindre aux convives

autour d’un apéritif. Il était visiblement satisfait d’avoir

accompli sa mission avec succès. Ceux qui l’avaient vu entrer

avec le sac de courses lui demandèrent de quoi il en retournait.

Il leur raconta tout en n’omettant aucun détail, trop content de

pouvoir capter l’attention quelques minutes. Un petit débat

suivit son récit. Était-ce égoïste de priver une petite fille

orpheline de mère et son père d’un repas de réveillon digne de

ce nom ou, au contraire, était-ce un geste de bonté que de lui

donner une somme pareille ? Peut-être était-ce un mélange des

deux…

Le Père Garenne sirotait son vin blanc, confortablement

enfoncé dans son fauteuil de cuir, tout en écoutant les dernières

nouvelles de la famille, quand soudain, on sonna à la porte.

Étant maître de la maison, il se leva, posa son verre et alla

ouvrir.

Il tomba nez-à-nez avec le pauvre homme qu’il avait rencontré

à la boucherie. Ils furent tout aussi étonnés l’un que l’autre de

se revoir pour la seconde fois en quelques heures. Le visiteur

était accompagné de ce qui devait être sa fille. Elle était maigre

à faire peur. Elle portait des sabots sans chaussette, un bonnet

de laine, un gilet aux boutons arrachés, manifestement trop fin

pour la protéger du froid hivernal, au-dessus d’une robe tout

aussi rapiécée que les vêtements de son père. Des manches

grignotées par les mites dépassaient deux bras si fins qu’on eut

crû qu’il pourrait se briser comme du verre et qui tenaient un

paquet sans doute trop lourd à ses mains d’enfant.Le Père Garenne, passé le premier instant d’étonnement,

demande :

- Que puis-je pour vous ?

Le père retira sa casquette par respect et regarda sa fille, qui

baissa les yeux de honte. Il lui tapota légèrement l’épaule pour

l’inciter à parler. Ce petit épouvantail s’avança d’un pas et

récita d’une voix fluette marquée par les râles d’une toux

naissante :

- Monsieur, je suis venue vous restituer ce qui vous appartient

et vous prie de bien vouloir accepter mes excuses.

À la fin de sa phrase, elle tendit le lourd paquet à bout de bras

en baissant encore plus la tête, comme une offrande faite à un

pharaon. Le Père Garenne ne comprit pas de quoi elle parlait. Il

ouvrit un peu plus la porte et prit le paquet des mains de la

gamine, qui recula et alla se cacher derrière la jambe de son

père tout en continuant de fixer le sol.

Le vieil homme ouvrit le paquet avec une certaine curiosité

mêlée de méfiance. Il écarquilla les yeux de surprise. C’était

une dinde.

Il commençait à comprendre mais voulut tout de même

clarifier la situation :

- Je ne suis pas sûr de comprendre, pourriez-vous m’expliquer

ce que cela signifie ?

Les invités, attirés par la conversation, sortirent du salon et

virent se tenir derrière le Père Garenne. Ce dernier fixait le père

et la fille tour à tour.

- Allez, explique-lui, insista le pauvre homme.

Il avait visiblement honte du comportement de sa fille. Il

tordait nerveusement sa casquette entre ses mains caleuses. La

gamine avala péniblement sa salive. Ses petits doigts se

serrèrent un peu plus sur le pantalon de son géniteur. Elle

répondit enfin :

- C’est moi qui ait pris la dinde chez vous…Le Père Garenne prit une profonde inspiration. Ainsi, c’est

cette petite fille qui est venue voler la dinde chez lui. Des

murmures parcoururent la famille derrière le Père Garenne.

Certains se demandaient déjà s’il ne fallait pas faire venir la

police pour arrêter cette petite voleuse, ce à quoi d’autres

répliquaient que ce n’était pas très charitable de faire jeter

quelqu’un en cellule le soir de Noël pour une histoire de dinde.

- Pourquoi n’est-elle pas venue prendre l’argent plutôt ?

Cette phrase avait surgi de la masse. La petite fille ne

supportait pas qu’on l’accusât de vol, c’est pourquoi elle

s’écria :

- Je l’ai fait pour mon papa ! Papa travaille beaucoup et n’a pas

beaucoup d’argent, alors j’ai voulu lui faire une dinde parce

que je l’aime très fort.

Elle fondit en pleurs. Le père, prit la fille dans ses bras et

pressa fort ce petit corps froid contre lui. Il pleurait également.

Le Père Garenne comprenait mieux les motivations de la jeune

fille, mais il y avait toujours un détail qui restait inexpliqué.

- Comment es-tu entrée ?

- C’est à cause de nous.

Bertrand et Clothilde s’avancèrent devant leur grand-père. Ils

fixaient leurs pieds en se tordant les mains de honte. Ils

expliquèrent d’une toute petite voix :

- Nous jouons régulièrement avec elle, alors quand nous

l’avons vu hier, nous avons décidé de lui donner la dinde

comme cadeau de Noël pour qu’elle puisse la partager avec son

papa. Nous pensions bien faire… pardon si c’était mal.

Ils commençaient également à pleurer à chaudes larmes.

Tout s’expliquait enfin. Les deux enfants ont voulu faire acte

de charité en offrant la volaille à la jeune fille et à son père,

alors ils lui ont ouvert la porte d’entrée pour la faire entrer et

lui donner la dinde.Le Père Garenne soupira. Leur courage le surprenaient. C’était

l’innocence des enfants dans toute sa pureté. Il referma le

paquet et dit :

- Joignez-vous à nous ce soir.

Le père n’en crut pas ses oreilles et refusa poliment :

- Je ne peux accepter après tous ces désagréments.

- Balivernes que cela. Vous êtes mes invités.

- Bonne idée ! s’exclamèrent plusieurs convives.

- On va rajouter les couverts !

Bertrand et Clothilde sautillèrent de joie vers la table et se

faufilèrent entre les jambes des adultes. Ne pouvant plus

refuser, le père entra en se confondant en excuses et

remerciements.

Ils furent chaleureusement reçus par la famille et partagèrent la

fameuse dinde rôtie à la perfection. Le Père Garenne plaça le

père et sa fille à sa gauche. Le brave homme raconta qu’il

n’était pas au courant du vol de sa fille lorsqu’ils s’étaient

rencontrés à la boucherie. Il n’avait su ce qu’il en était qu’en

rentrant chez lui et c’est par soucis d’honnêteté qu’il est venu

la restituer. Il se confondit encore en excuses et en

remerciements pour la gentillesse du Père Garenne ainsi que de

toute sa famille. Cela faisait longtemps que lui et sa fille

n’avaient pu fêter Noël de cette façon.

À un moment du dîner, le Père Garenne se pencha vers son

neveu à sa droite et lui demanda :

- Dis-moi, tu disais bien qu’il te manquait de la main d’œuvre

dans ton usine ?

- Oui, c’est ça, pourquoi ?

Le Père Garenne se redressa avec un petit sourire mesquin et

montra son invité :

- Eh bien ce brave homme a été ouvrier par le passé.

Puis il ajouta à l’intention du désigné :

- Cela vous intéresse ?

- Euh… oui, bien sûr.- Eh bien, pourriez-vous passer… lundi ? demanda le neveu en

portant un verre à ses lèvres. Nous pourrons en discuter de

façon plus approfondie.

- Euh… oui, avec plaisir. Merci beaucoup.

Il était visiblement très ému et peinait à trouver ses mots. Il

regardait sa fille qui parlait avec Clothilde en imaginant déjà un

meilleur avenir pour elle. Le Père Garenne sourit, très content.

Sa situation l’avait touché. Il voulait venir en aide à ce brave

homme, et donner à cette fillette une chance d’avoir un bon

départ dans la vie.

Plus tard, au dessert prit dans le salon, le Père Garenne

dégustait la bûche de Noël, de nouveau enfoncé au fond de son

fauteuil, avec le chat qui dormait sur ses genoux. Sa fille vint

vers lui et lui demanda en souriant :

- Alors ? Heureux d’avoir résolu cette affaire de dinde volée ?

- Oui…

- Mais ?

Il prit un air sérieux, puis répondit avec un sourire malicieux :

- Mais cela reste un scandale !

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

BOO! Selon Morgane Roth

Des nouvelles pour Noël !